Régénère-toi d’abord
régénère-toi d’abord ! Stratégies régénératives 19 avril 2024 Dans notre course à la création de stratégies responsables, durables, positives, régénératives… notre premier défi n’est paradoxalement pas tant l’enjeu auquel nous devons répondre que nous-mêmes : notre façon de penser. Nous continuons à apporter des réponses linéaires dans un monde qui ne l’est plus avec des stratégies d’amélioration/adaptation déjà largement utilisées dans le monde « d’avant » : des stratégies du « plus de » ou « moins de » qui restent sur une logique arithmétique, performative, incrémentale. Le meilleur exemple nous vient d’une métaphore utilisée par tous les économistes internationaux et que nous avons adaptée à notre contexte : la Reine Rouge. Inspirée du célèbre conte de Lewis Carroll quand Alice passe de l’autre côté du miroir et se trouve embarquée dans une course folle avec l’un des personnages principaux, la Reine Rouge. Alice s’étonne rapidement de courir et de ne pas bouger, ce à quoi la Rouge lui répond « ici il faut courir toujours plus vite pour rester à la même place ». Cette métaphore résume les stratégies du « gagner toujours plus » : gagner un point de part de marché, un point de marge ou diminuer les coûts diminués pour rester concurrentiels. Ces stratégies sont aussi désormais appelées, avec le recul, les stratégies « gagnants-perdants » ; les perdants, nous les connaissons désormais via l’épuisement des ressources et des personnes. Ces sont aussi des stratégies de surexploitation du « connu ». Pour le dire autrement, les réflexions stratégiques se déployaient dans des contextes où les concurrents étaient connus, de même que les méthodes à appliquer etc… Aujourd’hui, nous essayons de « penser autrement et faire autrement » mais nous pensons dans la grande majorité comme avant : nous sommes embarqués dans la course à la Reine Verte. La génération d’idées neuves reste, en effet, très conservatrice sans confrontation avec des « surprises » ou « information étonnante » pour bousculer nos routines de la pensée. (source : Processus de l’imagination, Karl Friston, neuroscientifique expert Imagerie cérébrale @ University College London / BCG Institute 2018). Course à la Reine Rouge et Course à la Reine Verte Pour expliquer plus précisément le concept de Reine Verte et le principe conservateur de notre cerveau, je fais un détour par une expérience que j’ai menée pendant près de 10 ans avec tout type d’équipe pour expliquer la différence entre créativité et innovation, de même que la nécessité de méthodes spécifiques pour nous aider à penser autrement. Il s’agit de l’expérience des bougies réalisée par le psychologue Karl Duncker en 1945, qui illustre le phénomène de fixation fonctionnelle. La fixation fonctionnelle correspond à un biais cognitif qui restreint la faculté d’une personne à employer un objet de manière différente de son usage traditionnel, sa fonction première, et qui réduit l’aptitude d’un individu à innover et à faire preuve de créativité dans la résolution de problèmes. L’expérience est simple : les participants disposent d’un kit et d’un contexte connu : une boîte d’allumettes vide, des punaises et quelques allumettes posés sur un table. Ensuite, l’expérience consiste à demander aux participants « Comment faire pour fixer la bougie sur un mur de façon à ce que la cire ne coule pas sur le sol ? » en utilisant seulement le kit mis à disposition (la boîte d’allumettes et les punaises). Dans l’expérience originelle de Duncker, peu de participants trouvaient la solution et cela démontrait la difficulté à voir la boîte comme support plutôt que comme simple conteneur. Si vous faites l’expérience aujourd’hui, le résultat est totalement différent car bon nombre d’équipes sont déjà rodées au « comment faire pour » avec peu de ressources au quotidien : « Comment faire pour remplacer untel qui ne sera pas là aujourd’hui ? » « Comment faire pour finir ce dossier avec la masse d’autres dossiers à finaliser ? » etc… Nous passons nos journées à jongler avec la fixité fonctionnelle : le cadre est connu et il nous suffit d’appliquer la fameuse méthode SCAMPER, une technique de pensée créative utilisée pour générer des idées innovantes et améliorer les produits ou services existants. Son acronyme vous guide à travers sept stratégies de réflexion différentes : Substituer, Combiner, Adapter, Modifier, Mettre à d’autres usages, Éliminer, et Renverser ou Réorganiser. Chaque lettre de l’acronyme encourage à explorer de nouvelles perspectives et possibilités en posant des questions spécifiques, permettant ainsi de découvrir des solutions originales et de stimuler la créativité. En revanche, ce qui est intéressant, c’est la deuxième partie de l’expérience que j’ai imaginée et qui est enchaînée à la précédente : il s’agit d’explorer encore plus les limites de la créativité et de la fixité fonctionnelle en contexte inconnu, face à la page blanche, quand le cerveau doit passer en mode divergence pour aller chercher des idées neuves. Vous redonnez exactement le même kit aux équipes (une boîte d’allumettes vides, quelques allumettes et des punaises) mais la question change pour passer en contexte ouvert et inconnu : « Quel nouveau concept pouvez-vous inventer à partir de ce kit et qui pourrait être vendu en magasins ? » Dans 99,5% des cas, la majorité des participants se concentre sur l’usage traditionnel de la bougie comme source de lumière ou de chaleur avec des suggestions du type : « Le kit éclairage au camping » et autres variations de lieux que le camping. Je pense avoir vu 10 propositions qui répondaient à l’exercice : la capacité à se projeter en dehors du territoire de la bougie, lumière etc… et plus largement en dehors de votre domaine d’expertise. Une des réponses les plus originales et pertinentes par rapport à l’objectif de cette deuxième expérience était : « un prototype de jeu pour enfants. » Le debrief de ces deux expériences est toujours puissant et éclairant (si je peux me permettre le jeu de mots) autant sur le temps contraint pour chaque expérience, que sur le peu de ressources à disposition et sur le processus individuel et collectif de réflexion. En résumé, quand vous souhaitez imaginer quelque chose de totalement nouveau, souvenez-vous que votre cerveau est conçu pour le statu quo. Malgré nos efforts pour explorer de nouveaux territoires, le cerveau tend souvent à