Résonance, Pertinence, Potentiel

résonance, pertinence, potentiel Stratégies régénératives 25 avril 2024 « Je consomme juste moi non plus » ou pourquoi le marketing et les marques doivent se réinventer avec trois nouveaux critères. Deux études récentes menées par l”Obsoco (l’Observatoire Société et Consommation) sur “Sobriété et modes de vie” et le cabinet Forrester “le paradoxe du consommateur responsable” démontrent notamment que la posture de consommation responsable reste ambigüe et l’acte d’achat dicté, au final, par l’arbitrage prix. Les Français et la sobriété. Crédits : Carenews Bien que la refonte de notre économie nous présente un défi monumental, elle nous donne également l’occasion de créer une économie qui assure la prospérité pour tous, le principe-même des 17 Objectifs de Développement Durables 2030 promulgués par l’ONU.   Concept et catégorisation par Buster Benson – Design par John Manoogian III Pour raisonner en termes de prospérité, il nous faut opérer une révision critique (ou copernicienne) des paradigmes traditionnels qui ont longtemps orienté notre prise de décision stratégique et les guident encore aujourd’hui : la désirabilité, la faisabilité, la viabilité. Si les normes (ESG, CSRD, ISO…) cadrent désormais des stratégies d’entreprises et de marques plus vertueuses, elles le font en effet autour de l’ancien paradigme adapté : l’(éco)désirabilité, l’(éco)faisabilité, et l’(éco)viabilité. Rappelons les principes originels et limites désormais connues de la triade « Désirabilité, Faisabilité et Viabilité » Désirabilité : Traditionnellement axée sur une satisfaction immédiate, la désirabilité tend à se concentrer sur les besoins hédonistes (recherche du plaisir) des consommateurs sans prendre en compte les impacts environnementaux et sociaux ni les besoins à long terme de notre planète. Pour ce faire, la désirabilité s’est largement appuyée sur le cadre référentiel de la pyramide de Maslow pour comprendre les motivations et les besoins humains, avec ces cinq niveaux distincts et hiérarchisés (même si telle n’était pas l’intention de départ du chercheur) : en répondant d’abord aux besoins physiologiques de base, puis la sécurité, l’appartenance, l’estime de soi et enfin accomplissement de soi. Faisabilité (technique) et Viabilité (économique) : La faisabilité est souvent restreinte par des contraintes économiques de rentabilité à court terme et des limites techniques. Repenser à vos dernières réunions de remue-méninges pour imaginer un nouveau produit/service et repenser aux critères de sélection qui ont  prévalu. Il y a 90% de chances que la faisabilité ait joué en faveur de la solution retenue. La viabilité s’est quant à elle, principalement concentrée  sur les aspects économiques, négligeant les impacts sociaux et environnementaux ou externalités négatives. La version « éco » de notre triade « désirabilité », faisabilité », « viabilité » permet  d’intégrer des critères éthiques, responsables et durables. L’écodésirabilité mérite notre attention car ses presupposés nous conduisent à une aporie : vouloir changer les paradigmes de consommation sans changer de référentiel. Aider le consommateur à mieux consommer, à faire preuve de sobriété, et l’éduquer aux produits « responsables » font partie des stratégies d’écodésirabilité notoires pour transformer les modèles de consommation. L’écodésirabilité conduit à deux options : la déconsommation (arrêtons de satisfaire nos désirs) ou la consommation juste (maîtrisons nos désirs) dans un rapport au monde qui reste fondamentalement consumériste (hédoniste) comme l’analyse  Mazarine Pingeot dans son dernier livre “Vivre sans”. Elle y détaille en profondeur tout le paradoxe du discours sur les produits “sans” (sans sucre, sans OGM, sans sel ajouté…qui me permette de m’acheter de la santé) et plus largement la consommation « sans » comme la sobriété heureuse (qui reste un choix de consommation), soulignant combien ces concepts restent ancrés dans le référentiel de l’économie du désir et de la satisfaction. Entre “consommer juste” et “déconsommer” quelle est la 3ème voie ? Avant tout, il est essentiel de repenser le prix comme composante-clé du mix marketing. La « greenovation » basée sur l’écodésirabilité, l’écoconception, et l’écoviabilité est bien sûr le minimum vital de l’engagement des marques mais il se fait systématiquement au détriment du prix (ou un prix premium). Or les entreprises peuvent continuer à lancer des stratégies climatiques mais si seule une minorité peut y accéder (voir Etude CITEO 2023 « Rendre la consommation responsable accessible« ) cela pose d’emblée une barrière aux changements de comportement. On ne peut en effet critiquer la résistance à des pratiques de consommation plus écoresponsables sans prendre en compte l’impact du coût. Sinon le « consommer responsable » deviendra le nouveau statut social  nourri par la logique du prix premium systématiquement appliqué à un produit/service écoresponsable. Cela semble, a priori, impossible à faire quand il s’agit de mieux rémunérer des acteurs de la chaîne de valeur ou des pratiques industrielles qui requièrent des investissements-clés. Pourtant, la méthode de « design-to-cost » ou conception à coût objectif devient une option à réintégrer dans les réflexions stratégiques. La méthode s’est fait connaître avec le lancement de la Dacia à un prix ultra-compétitif tout en garantissant la fiabilité, elle a essaimé depuis chez de nombreux industriels ou chez Ikea par exemple. Le Design-to-cost renverse la logique de développement d’un produit ou d’un service :  on ne déduit pas les coûts d’un produit/service en partant des contraintes techniques, mais on conditionne la solution (éco)faisable aux contraintes d’acceptabilité (prix) du marché.  L’approche requiert en général de définir les critères-clés d’une offre tout en maintenant une exigence  environnementale, sociale. Par ailleurs, subventionner systématiquement des produits écoresponsables est-il une stratégie durable ? Les chiffres récents concernant l’achat de voitures électriques (au lieu de voitures thermiques) semblent démontrer le contraire comme l’explique cet article récent dans le magazine La Tribune.  Si la réflexion sur le prix n’est plus une option, elle ne change fondamentalement pas notre rapport au monde dominant, qui reste consumériste. La troisième voie propose de redéfinir notre perception des besoins et des désirs à l’aune de la prospérité. Cette démarche exige que nous reconsidérions les besoins essentiels à l’épanouissement individuel, nous incitant à dépasser la simple consommation pour embrasser des perspectives plus larges. Hartmut Rosa, sociologue et philosophe reconnu, décrit la prospérité comme la « vie bonne » ou « résonance« , c’est-à-dire une relation réussie entre soi, les autres et le monde (dont la nature). Cette relation renverse notre logique de conquête permanente et agressive du monde où tout doit

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